Portrait Alice Gautreau                                Couv seuls les poissons morts suivent le courant éd Pygmalion

 

Alice Gautreau est sage-femme pour Médecins sans frontières. Elle raconte son parcours incroyable dans son livre Seuls les poissons morts suivent le courant paru aux éditions Pygmalion.

https://www.editions-pygmalion.fr/Catalogue/hors-collection/documents-et-temoignages/seuls-les-poissons-morts-suivent-le-courant

 

Voici un site qu’elle affectionne tout particulièrement : www.sosmediterranee.fr

 

 

J’ai rencontré cette jeune femme rayonnante à l’hôtel Renaissance Paris Arc de Triomphe. Sa joie de vivre, sa simplicité et son authenticité m’ont séduite. Je la remercie d’avoir accepté mon invitation et de sa spontanéité. Sa passion pour son métier lui confère une personnalité empreinte de fraîcheur et de combativité. Elle est mon invitée des « Rencontres féeriques » de cette semaine. Chaque jour, découvrez une partie de notre échange.

 

Dans votre livre, vous écrivez que lorsque vous êtes hors mission et que vous êtes en famille et avec vos amis, il vous est arrivé d’être déconnectée de cette vie-ci, de ne plus être en phase avec cette réalité même si bien évidemment chacun a sa propre réalité. Pouvez-vous nous raconter ? Qu’est-ce que ça a changé pour vous  et quel regard vous portez sur les autres qui n’ont pas la même mission de vie que vous ?

Je pense que quand on est à bord ou au Congo, on vit des choses très intenses, ça nous change d’une certaine manière. Quand on revient d’une mission, il faut retrouver ses repères. J’ai trouvé que mes amis n’avaient pas changé, ils étaient toujours les mêmes, ils ont toujours le même travail, ils ont la même vie, ils font les mêmes choses mais moi j’ai changé d’une façon très subtile et je pense qu’ils le ressentent aussi. C’est comme s’il fallait qu’ils apprennent à me reconnaître, à connaître le nouveau moi. J’ai l’impression que les amis que je me suis fait à bord, ceux que j’ai rencontrés depuis – à la fac notamment – ceux qui m’ont connue après ou pendant mon changement, m’acceptent plus que mes amis d’avant. Les anciens ont un peu de mal à comprendre les choses qui ont changé chez moi. Par exemple, je n’aime plus du tout faire du shopping, ça m’angoisse. Ce n’était pas quelque chose dont j’étais fan mais ce n’était pas quelque chose que je détestais non plus, je faisais bien des après-midis shopping entre copines. Maintenant, ça m’oppresse.

 

Pourquoi ?

Je ne saurais pas expliquer mais ça me paraît tellement superficiel. Tous ces magasins avec tellement de choses, des trucs qui brillent, des lumières partout. Quand je suis rentrée du Congo et que je suis allée dans un supermarché, la quantité et le choix – alors que pendant dix mois je n’avais pas de choix et c’était bien – m’ont interpellée. Je crois que je suis beaucoup plus méthodique dans ma façon de faire des courses aujourd’hui. Toute cette société de consommation m’écrase un peu.

 

J’ai cru comprendre que toutes ces missions vous posent dans l’instant présent. Est-ce aussi un moyen de lâcher prise ?

Oui. Au début au Congo, j’ai essayé de garder contact avec le monde d’avant, le monde occidental, j’essayais d’écouter les infos, je lisais les journaux, je me documentais comme ça. Les infos sont tellement négatives, c’est anxiogène, ma mission était assez stressante, je n’avais pas besoin de ça. Le seul lien que je gardais était l’émission de Guillaume Meurice. Il me faisait rire, il y avait un peu d’actus, je n’avais pas l’impression d’être complètement perdue. Mais je n’avais pas de plans pour l’après alors que les dix ans passées avec mon amoureux, nous planifions notre avenir, nous avions un plan à court terme, un plan à long terme. Maintenant je sais à peu près ce que je ferais dans deux mois pas plus.

 

Vous vous laissez porter finalement ?

Oui.

Ça vous a ramenée à l’essentiel ?

C’est sûr.

 

Vous vous sentez aussi bien qu’avant ?

Pour le moment, je me sens plus légère.

 

Il y a aussi une notion d’engagement dans votre choix de vie. Quelle sera votre prochaine mission, vous la connaissez déjà ?

Oui, je repars au Congo à l’endroit de ma première mission. Je suis super contente mais cette fois-ci je pars en tant que spécialiste des violences sexuelles. Je vais mettre en place un processus de prise en charge des violences sexuelles, essayer d’harmoniser la prise en charge dans nos projets, former le personnel national et remettre à niveau car ça existe déjà. … Quand on s’occupe de la santé et de la reproduction, il y a énormément à faire. La maternité est une urgence, le planning familial c’est très prenant. Pour la première fois, MSF va envoyer quelqu’un qui va se concentrer exclusivement sur les violences sexuelles. Je trouve que c’est chouette car ça va avoir enfin l’attention que ça mérite. J’ai l’impression que l’on vit dans un monde où les choses sont en train de changer à grande allure.

 

Découvrez la dernière partie demain…

Valérie Motté

"AVEC NOS PENSÉES NOUS CRÉONS LE MONDE" BOUDDHA

Copyright : Valérie Motté

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