Tu es donc auteur à plein temps, on en parlait précédemment. Tu n’as pas d’autres activités, tu fais donc partie d’un petit nombre finalement d’auteurs…
Un assez petit cercle, en effet, qui est difficile à définir en nombre de personnes parce qu’il n’y a pas vraiment d’indicateurs.
Vous êtes peu nombreux à vivre de votre plume. Je connais d’autres auteurs qui sont obligés d’avoir d’autres métiers.
Si on doit faire des proportions à la louche, il y a à peu près 9 auteurs sur 10 qui ont un « vrai métier ». Ils sont profs, médecins, avocats, journalistes… et écrivent aussi des livres. Etre auteur à temps complètement plein c’est très compliqué en France, c’est un statut très mal connu (y compris des éditeurs eux-mêmes), et assez marginal. Mais je ne vais pas rentrer dans ce sujet car le débat est plutôt complexe.
Mais c’est une liberté… Est-ce que c’est une force pour toi ?
Oui c’est une liberté chèrement payée. On n’est jamais complètement indépendant de toutes forces et de toutes puissances de l’argent. On vit dans un monde qui est tenu par l’économie et qui vit pour l’économie. On en est aussi tributaire hélas. Je rêve d’un monde sans argent mais il n’existe pas.
Dans ce monde, on dépend donc de forces économiques qui, en l’occurrence pour nous, sont les éditeurs. Mais ça se fait malgré tout dans une forme très importante d’autonomie par rapport à plein de métiers, y compris par rapport à d’autres métiers artistiques. On est effectivement très libre de notre rythme, de nos idées, de ce que l’on fait. Il y a toujours une forme de sanction, ne serait-ce que la sanction du public. On est extrêmement libre et après avoir connu dix ans de salariat, ça a été une vraie révélation. Je m’en doutais, c’est peut-être pour ça que je m’y accroche et cette liberté mérite tous les efforts qu’on fait pour elle.
Par ailleurs, tu as écrit des romans où la femme est souvent une héroïne libérée sexuellement ?
Oui c’est vrai.
Pourquoi ?
Je suppose que ma part féminine n’est pas négligeable. Ca m’intéresse de l’explorer et de l’interroger. Tout homme, toute femme, on est partiellement féminin partiellement masculin à des degrés divers évidemment, et on l’assume à des degrés divers. Je pense qu’il y a une porosité importante de ce point de vue-là chez moi et que je l’assume plutôt, car ça me semble intéressant. C’est plus enrichissant que handicapant. Pour moi la sexualité est une des formes les plus intéressantes de transcendance de notre vie terrestre. L’érotisme c’est, l’espace d’un instant, une sublimation à travers la chair. A travers les corps qui se subliment, on arrive à transcender nos corps et nos mortalités. C’est extraordinaire, c’est un truc incroyable. L’explorer des deux côtés de la barrière, à travers la fiction, ça m’intéresse.
Et l’amour dans tout ça ?
Oh mon Dieu (sourires).
Aurais-tu déjà une définition de l’amour ?
J’en ai eue autant que j’ai eu de périodes de ma vie, autant que j’ai eu d’expériences et autant que j’ai eu d’occasions d’en parler avec les autres. S’il y a un enseignement, c’est que l’amour ne se résume pas en une formule. C’est très compliqué. C’est aussi douloureux que c’est exaltant. C’est à la fois la force qui porte tout et celle qui rend la vie plus difficile car traversée d’attentes et de besoins réparateurs notamment.
Découvrez la dernière partie demain…
Copyright : Valérie Motté