Crédit photo : Constance Decorde
Que représente l’humour pour toi ?
Je dirais que c’est un moyen d’échapper à la réalité des autres, à ce que certaines personnes veulent nous imposer. C’est un moyen de rester soi-même dans les circonstances qui pourraient nous être défavorables. Ça peut être aussi plein d’autres choses. C’est un moyen de se créer sa réalité et de refuser…
C’est une échappatoire ?
Il ne faut pas que ce soit une échappatoire parce que ça serait fuir même si parfois ça peut être nécessaire. Il faut que ce soit une affirmation, un truc qui permet d’être soi-même en toutes circonstances mais je ne maîtrise pas du tout. Je me rends compte de ça. Les gens que j’apprécie et ceux qui m’ont donné envie de faire ça, ce sont des gens qui ont réussi à s’affirmer et affirmer quelque chose de très fort. L’humour c’est un moyen aussi de faire en sorte que la vie soit chouette tout simplement.
Quand tu es seul sur scène, que ressens-tu ? Qu’est-ce que ça te procure ? Tu es mis à nu…
Pas tant que ça en fait. Finalement le spectacle est écrit. Je sais parfaitement où je vais. Alors évidemment il faut passer les premières représentations où tu ne sais jamais si ça va marcher ou pas. Une fois passé ça, je sais où je vais, je vois à peu près où les gens vont rire, de quelle manière je vais pouvoir les surprendre. En fait je suis moins nu qu’eux finalement. Sur scène, il y a du trac avant une première. Il y a eu un moment un peu d’ennui, ce passage où je ne m’étais pas imaginé que ça serait si long dans ma vie. J’ai fait ça quand j’étais jeune parce que ça m’amusait et je n’avais pas imaginé une carrière et ce que ça implique dans le temps. Il y a eu un moment où je me suis dit d’accord, je vais faire ça toute ma vie, je suis passé par une phase un peu d’ennui et puis là dernièrement je retrouve quelque chose de plus apaisé où je me dis que c’est marrant finalement la vie. Je crois que la vie nous accompagne quand on veut quelque chose. J’apprécie beaucoup en ce moment l’avant spectacle, derrière le rideau où mon régisseur me dit qu’il va à la régie et qu’il me donne le top. Après c’est moi qui décide quand je passe devant le rideau. Il y a un moment où je suis derrière le rideau où j’entends les gens, j’ai les spots, je suis dans mon truc et j’aime bien ce moment-là et je me dis que si on m’avait dit, il y a quelques années, que ce serait ça ma vie, je ne l’aurais pas forcément cru et puis en fait, si c’est ça et c’est plutôt bien fait.
Est-ce que c’est aussi un moyen de se poser dans l’instant présent ?
Complètement. Au début, je pense que c’est ça que je recherchais sans le savoir vraiment. C’était ça qui me procurait du bien-être et pourquoi j’ai voulu faire ça. Ça oblige à être sur l’instant de jouer la comédie.
Et c’est peut-être aussi une façon de partager, de partager avec le public ?
Oui bien sûr.
Du coup que représente pour toi la notion du partage ?
Je dirais que ce n’est pas vouloir échapper à l’instant. Dans un spectacle, c’est particulier parce que tout le monde a choisi d’être là. Le public a payé pour venir, moi j’ai préparé mon truc. Rien est imposé à personne hormis peut-être à celle qui ne me connaissait pas et qui est venue parce que ses amis lui ont demandé de les accompagner. On accepte le moment comme il est et puis voilà.
Tu disais que la vie nous accompagne, c’est aussi un moyen de lâcher prise. Pour toi ça évoque quoi ce fameux lâcher-prise dont tout le monde parle ?
Ça serait de ne pas se mettre d’objectifs, ce qui est un peu compliqué quand même passé un certain âge. Tu es forcément obligé de mettre des échéances mais quand on enlève les objectifs tout devient plus facile.
Je ne parlerais pas d’objectifs mais je ne pose plus d’attentes sur le résultat.
Je trouve que se mettre des objectifs, d’avoir des projets, c’est créateur et on en a tous besoin. On est tous acteur et créateur de notre vie quel que soit le domaine. Je pense que le fait de ne pas poser d’attentes sur le résultat est aussi un moyen de vivre l’instant présent et de ramener cet instant au plaisir. Mais je pense qu’il est important quand même de se mettre des objectifs.
Oui, si c’est vrai, tu as raison.
Mais ce n’est que mon point de vue.
Dès qu’on crée une attente, le mental s’agite, ça peut créer des frustrations, l’ego est blessé alors que quand tu es connecté à ton être profond, ce que j’appelle l’âme, tout va bien car tout est juste et à sa place. Mais on est dans une société, dont tu parles si bien dans ton spectacle, de consommation et ce que je trouve difficile, c’est de trouver cet équilibre.
Découvrez la suite demain…
Copyright : Valérie Motté