Et vous, quel est votre parcours ?
J’ai vécu toute mon enfance dans un village sorcier en Belgique. J’ai été fort marqué par ces traditions liées à la magie… J’ai grandi là-dedans. À l’adolescence, j’étais un passionné de fantastique. Après j’ai créé un magazine en kiosque pendant quatre, cinq ans en France, j’ai fait des festivals… et à un moment je me suis posé. J’écrivais des poèmes depuis mes dix-huit ans et même avant. J’avais envie de revenir à l’écriture. Cette série de grands livres concilie le côté recherches que j’aime bien et le côté poète.
Quand vous étiez jeune, c’est à cette époque-là que vous avez eu ce déclic, cette connexion avec le monde enchanté. Est-ce qu’à un moment donné, vous avez été effrayé, apeuré par des esprits ? Est-ce que vous les ressentiez ? Vous avez pu voir des choses ?
Je n’ai jamais vu avec le sens du regard. J’ai eu beaucoup d’expériences, de ressentis. Vous savez, en féerie, on dit toujours qu’il faut être attentif aux signes des fées. Il y en a eu des centaines. Par exemple, il y a quelques années, j’étais parti en Angleterre, je me promenais dans une forêt, j’ai eu un rouge-gorge qui s’est posé sur mon bras et qui m’a suivi pendant tout le trajet dans cette forêt. J’ai quitté cette nature, il m’a quitté.
C’est trop mignon !
Le rouge-gorge, dans la tradition féerique, est un animal habité tout comme le lièvre. C’est une apparence que prennent les fées ou les lutins. Quand j’ai construit ma maison, il y a vingt ans, là où j’habite encore aujourd’hui, c’était un territoire de lièvres. En faisant des recherches, j’ai découvert que c’était exactement un emplacement de trésors de lutins. C’était assez extraordinaire ! Il n’y a jamais de hasard, il faut juste ouvrir les yeux et être attentif, ça peut être le regard d’un animal particulier, ça peut être le chant d’une plante ou un feuillage qui bouge. Je ne vois pas corporellement les fées mais c’est une sensation.
Il vous arrive de leur poser une question quand vous élaborez un livre comme celui-ci ? Vous vous connectez à leur esprit ?
Je travaille toujours avec eux. Il y a une partie de moi qui est plus scientifique mais la formation en ethnobotanique est de l’anthropologie. La fondation d’un anthropologue c’est d’être ouvert, de croire, de partager. On ne pourrait pas travailler sans adhérer et sans entrer pleinement dedans. On ouvre notre esprit. Ici, j’ai toujours mon petit compagnon à côté de moi qui m’aide à écrire. Quand je manque d’inspiration, je lui demande de l’aide. J’ai besoin de sentir un émerveillement continu.
Beaucoup de personnes me demandent comment faire pour voir et ressentir la présence des fées. Pour vous, c’est être à l’écoute des signes de la nature ?
Les signes permettent d’ouvrir son esprit, son cœur à ce qui nous entoure, à la nature. Tout vient de là pour les traditions que j’étudie. S’émerveiller devant une forêt, devant les plantes de son jardin ou de son balcon, c’est déjà s’ouvrir. Les fées, les esprits de la nature sont sensibles à cet amour que l’on porte à la nature puisqu’ils sont les gardiens des lieux, des végétaux ou des animaux. L’homme a perdu ce contact.
Et le respect de cette nature…
Quand on termine la cueillette des champignons, on voit des gens qui détruisent absolument tout en ramassant beaucoup plus qu’il n’en faut pour faire une bonne omelette. Ça commence par des petits gestes. Les esprits de la nature n’aiment pas voir que l’on saccage leur territoire. Il est important d’avoir ce respect aussi de redonner. Si on arrache une plante, on remet des graines. Il y a un échange qui se crée.
Découvrez la suite lundi prochain…
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