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Sébastien Lilli vient d’accoucher de son documentaire « Perdu entre ciel et terre » qu’il a commencé à tourner il y a sept ans. Il nous le présente et nous raconte sa genèse.
Peux-tu nous présenter ton documentaire que tu as projeté au cinéma dernièrement et que les abonnés d’INREES TV pourront découvrir dès le 8 Novembre ?
« Perdu entre ciel et terre » est le deuxième gros documentaire que j’ai réalisé. C’est marrant, j’ai l’impression d’accoucher d’un bébé qui est seulement « en partie » de moi car j’ai commencé ce projet à vingt-deux ans, et à ce moment là, je n’étais évidemment pas tout à fait l’homme que je suis aujourd’hui.
Un jour, j’ai reçu une lettre à l’INREES d’une personne – Bruno, un homme âgé d’une quarantaine d’années – qui ne se reconnaissait plus dans le miroir, qui disait ne plus être dans son corps, et qui disait avoir une théorie sur son trouble. Il expliquait que son âme avait quitté son corps, et qu’il avait besoin de renaître pour s’incarner et vivre. Les médecins l’avaient bien entendu diagnostiqué psychotique. En partant de cette phrase de William Blake : « Si le fou persévérait dans sa folie, il rencontrerait la sagesse » je m’interrogeais « est-ce que c’est vrai ? Est-ce qu’on peut écouter un témoignage qui sort de l’ordinaire dans sa richesse et sa globalité ? » Je suis parti à sa rencontre avec l’idée d’essayer de donner du sens à l’inexplicable, de mener une recherche qui nous permettrait d’étudier ce qui était considéré comme la folie par les médecins, ou disons la majorité des médecins. Cette majorité-là lui avait dit à dix-neuf ans : « Tu n’as plus de vie, c’est fini. Tu vas devoir faire avec, tu ne pourras pas guérir parce qu’on ne sait pas comment faire et puis de toute façon il n’y a pas cinquante techniques, te voilà enfermé avec ce diagnostic mais ne t’inquiète pas, tu vas pouvoir refaire ta vie, tu vas pouvoir fonder une famille, tu vas pouvoir avancer ! Etre psychotique, ce n’est pas si grave… » Cet homme, depuis l’âge de dix-neuf ans, cherchait à comprendre ce qui lui était tombé dessus. Je suis allé le filmer il y a sept ans. J’ai rencontré un type assez ordinaire et attachant. Son témoignage me faisait dire que finalement on est peut-être tous un peu fou et qu’on n’assume peut-être pas cette part de folie ou en tout cas on essaie de la mettre dans des cases de manière à rassurer quelques personnes en se disant qu’il y a les fous d’un côté, et puis il y a nous de l’autre. Pourtant, on n’est pas loin de vivre certains moments qui se rapprochent de ce que lui peut vivre, c’est-à-dire un moment d’absence. Est-on fou pour cela ? Seulement, pour lui ce moment s’est prolongé… Mais pourquoi ? Et pourquoi a-t-il vécu cela à dix-neuf ans alors qu’avant tout allait bien ? L’objectif du film est d’essayer de comprendre ce qui lui était arrivé, d’une manière holistique, voire spirituelle.
Dans le film, tu lui proposes des approches et des outils différents…
Il a rencontré un certain nombre de médecins plus traditionnels qui l’ont enfermé dans ce constat et en cherchant d’autres pistes, lui-même s’est confronté à d’autres techniques comme l’hypnose.
Je n’ai rien voulu imposer dans ce film. Comme lui me disait dans sa théorie avoir quitté son corps, je me disais évidemment que dans le chamanisme il y a des techniques de recouvrement d’âmes et que peut-être cela pourrait l’éclairer. Il était intéressé par ces techniques-là qui faisaient sens avec sa théorie. Je lui ai proposé sous cadrage de psychiatres – parce que c’était important pour nous – l’option du chamanisme avec Liliane Van Der Velde. Cette thérapeute s’est formée il y a plus de trente ans au chamanisme et a fondé il y a dix ans l’école « Nature Conscience et Chamanisme » pour rétablir les liens entre l’Humain et la Nature, en travaillant notamment avec Olivier Chambon. Du coup, nous bénéficions d’un cadre avec plusieurs professionnels de santé, dont des psychiatres et des psychologues de l’INREES, qui validaient le constat de Liliane, le constat général sur son trouble.
On a ainsi réussi à créer un pont entre les personnes qui ont l’étiquette de médecins et qui se désolidarisent des constats brutaux précédents qui l’ont enfermé dans un diagnostic sans sens ni évolution possible. Certes, cet homme a des tendances psychotiques ou schizophrènes mais finalement ce n’est pas ce qui caractérise sa personnalité et sa vie. Si on l’enferme dans cette case, c’est évident qu’il n’en sort pas ! Alors que si on essaie de lui expliquer qu’il existe de nouveaux modèles pour se transformer, évoluer, changer, guérir, et bien là on lui ouvre des solutions et des possibilités et c’est ce qui lui a manqué à l’âge de 19 ans.
On voit bien dans le documentaire qu’il est baladé ici et là… avec des médecins qui semblent impuissants face à son cas.
C’est une forme d’errance thérapeutique comme on peux tous en connaître, c’est-à-dire qu’on croit avoir localisé une problématique, on essaie de la guérir et finalement les techniques ne marchent pas, on bute sur la mise en œuvre de notre guérison. Pourquoi ? En fait, on se rencontre dans ce film que c’est à la fois très simple et extrêmement compliqué. Il y a une part de nous-même qui résiste à la transformation. Quand on vit depuis vingt ans dans une problématique, on s’enferme dans un schéma donné. On recrée notre histoire personnelle, on s’y raccroche par des processus conscients et inconscients… On crée une sorte de tunnel de réalité qui nous est propre et qui nous empêche d’avoir la vue et la maîtrise de tous les éléments (encore plus si l’on admet qu’il existe des mondes invisibles !). Du coup, on a beau mettre le doigt sur le problème, puis sur une solution, si on n’est pas accompagné par un thérapeute, qui lui a une vision plus large et donc espérons le un peu plus juste, on a du mal à faire les gestes nécessaires à l’enclenchement de notre processus de guérison. C’est ce qui a manqué à Bruno au fil des années. Il n’a pas eu l’écoute nécessaire au début et puis ensuite, je pense qu’il s’est enfermé dans un prisme où certes il touchait du doigt certaines vérités, mais aussi certaines limites créées par ses propres mécanismes de résistance, des mécanismes qui paradoxalement lui ont permis de rester debout face à sa famille, ses proches, son entourage, face à des gens qui ne le croyaient pas.
Ce qui est formidable, c’est qu’il a créé une famille…
Oui, Bruno a voulu vivre, il a voulu essayer de comprendre son trouble. C’est ce qui donne à cette histoire un air authentique et bouleversant…
Tu lui as proposé une rencontre avec une médium conteuse incroyable…
J’ai essayé de faire ce film en deux parties : un plongeon dans sa vie, dans son histoire, puis un décryptage, avec des neuroscientifiques, des psychiatres, des chamanes… pour bien plonger dans son histoire et pour s’apercevoir aussi que chacune de nos histoires cristallise des problématiques qui se répètent. Alors, comment ouvrir les yeux ? Cette médium est en fait « channel », c’est à dire qu’elle a la faculté de se laisser traverser par ses guides, et d’être dans une dynamique incroyablement positive et joyeuse. C’est véritablement une femme au cœur pur. Quand on va voir un médium, on ne sait jamais le message qui va en ressortir. Il est là pour dire ce qu’il perçoit, et essayer de transmettre quelque chose, mais ce n’est pas un psy ! Cette femme-là partage des messages profonds et spontanés, avec une douceur angélique comme je l’ai rarement vu ! Elle est dans un rapport très direct avec les entités qui lui parlent. Au début de la séance, elle offre une forme de récit initiatique de notre propre vie avec nos propres challenges et nos propres outils pour dépasser ces défis. Au moment où on va la voir, dans le film, elle ne connaissait rien du tout à l’histoire de Bruno et elle est effectivement bluffante. Ce que j’adore chez elle, c’est qu’elle est dans une telle luminosité, une telle bienveillance, qu’elle nous fait déculpabiliser sur beaucoup de choses. Elle nous montre qu’on a des problématiques à résoudre, mais que celles-ci ont un sens, ce qui sous-entend qu’on a tous les moyens de les résoudre ! On est tous dans un travail d’évolution qui nécessite de savoir coopérer avec le monde qui nous entoure, visible ou invisible, d’accepter les périodes de difficultés qu’on traverse et les défis à venir, afin de les transcender… avec une certaine joie, cette force vitale qui nous dépasse et qui pourtant nous invite à (re)prendre la responsabilité de notre vie !
Découvrez la bande-annonce de ce documentaire passionnant et touchant :
https://www.inrees.com/Video/perdu-entre-ciel-terre-documentaire-teaser/
Copyright : Valérie Motté