Vous abordez la relation de couple. Quelle est, selon vous, la clé de la réussite d’une vie à deux ?
Parler de la réussite d’une vie à deux ou de la durée de vie d’une relation amoureuse, c’est être confronté à deux niveaux d’interrogations très différents : l’amour et la relation. Je souhaite souligner que ce qui maintient deux êtres ensemble dans la durée, ce n’est pas le sentiment d’amour, mais la Qualité de la relation qu’ils vont se proposer l’un à l’autre. Pour pouvoir construire une relation, je propose de sortir de « l’Illusion de la Toute Puissance Infantile » que si je fais tout pour l’autre, j’arrive à le rendre heureux ! Dans une rencontre (même à plusieurs), nous sommes toujours trois : l’autre, moi et la relation. Je suis responsable seulement de mon bout de la relation. Pour entretenir la relation, la rendre durable, harmonieuse, vivante, je vous invite à la nourrir de messages positifs, valorisants, vivifiants, en évitant trop de messages toxiques qui, autrement, peuvent empoisonner le quotidien et blesser même le désir de poursuivre ensemble les partages ou les projets d’une vie commune.
Etre en amour, c’est se découvrir des potentialités inexplorées. L’amour détient ce pouvoir inouï de nous porter et transporter vers le meilleur de soi dans la rencontre avec le merveilleux et l’imprévisible de l’autre. Il est cet embrasement de deux différences qui veulent survivre à l’éblouissement de la rencontre, rester vivantes et s’épanouir réciproquement dans le cheminement d’une existence dans la durée.
Quel que soit le système relationnel qui s’est établi au départ : celui de la semblance (ils aiment les mêmes choses), celui de la complémentarité (l’un possède ce que l’autre n’a pas, et ils se complètent), encore de l’antagonisme (ils se positionnent à l’opposé, et c’est ça qui les dynamisent), le couple va passer :
Seront les aptitudes relationnelles qui vont permettre au couple de résister à cette traversée. C’est développer cette capacité chez chacun pour devenir un bon compagnon pour soi-même. Autrement dit, être une personne douée d’une autonomie affective et matérielle suffisante pour ne pas faire dépendre la satisfaction de ses besoins de l’autre. Avoir une sécurité intérieure élevée, qui évitera de déposer ses peurs et ses angoisses sur l’autre ou de le rendre responsable de son bien être (ou mal être). C’est en étant dans l’amour de soi, dans la confiance de soi que l’on peut proposer à l’autre de partager et d’agrandir ensemble la part de bonheur qui nous habite.
Car nul ne sait à l’avance quand peut surgir en nous un amour – nous pouvons aimer passionnément à tout âge, et ni la durée de vie de cet amour – nous n’avons aucun pouvoir sur les sentiments, je vous invite à oser mettre des mots pour mieux cerner l’amour et à apprendre à le vivre au présent.
Dans la relation enfants-parents, vous évoquez le « dur métier de parent ». Est-ce si difficile ?
Être parent est un métier à plein temps. Ce qui manque le plus aux familles, ce n’est pas l’amour, mais une parole structurante. Devenir parents est une démarche en devenir. Pour cela, j’invite chaque adulte responsable de se former aux relations humaines – il n’y a pas d’âge pour cela. Dans la communication relationnelle que je propose, je défends l’idée de responsabilisation. Nous vivons dans une culture de l’assistanat et de la victimisation. C’est toujours la faute des autres, cela permet de faire l’économie d’une interrogation et d’un changement personnel.
Etre dans la relation parentale, c’est fondamental de savoir se positionner, tout en acceptant de proposer des échanges en réciprocité (une relation dominant/dominé ne permettant pas cet échange des valeurs), des échanges dans la confrontation et non l’affrontement. Et c’est en amont qu’il conviendrait de situer les responsabilités et les changements à venir.
J’invite les parents à réapprendre les quatre grandes fonctions parentales élémentaires. A savoir :
Ces fonctions ne doivent pas être exercées par à-coups ou de façon réactionnelle, mais s’inscrire dans le suivi d’un quotidien. La mère qui voit que son mari n’exerce pas sa fonction de père peut vouloir s’emparer de cette fonction à un moment donné mais ça ne marche pas. Il est important qu’elle puisse rester dans sa position de maman (à certains moments), de mère et de partenaire conjugale, sans mélanger ces fonctions.
Apprendre la communication c’est réduire l’incommunication galopante qui se développe entre les enfants et les adultes d’aujourd’hui.
Vous parlez de désirs et de besoins chez l’enfant. Pouvez-vous nous expliquer la différence ?
Le propre d’un besoin, c’est qu’il doit être satisfait, sinon notre intégrité physique ou psychologique est en danger. Je peux dire même que les besoins sont antérieurs aux désirs, qu’ils sont présents dès l’origine de la vie, ils participent à sa survie.
Le propre d’un désir, c’est qu’il a surtout besoin d’être reconnu, entendu, ce qui signifie aussi qu’il ne sera pas toujours satisfait.
Je rappelle aux parents et à tous les adultes qui accompagnent un enfant, qu’ils sont là pour répondre aux besoins des enfants : besoins de survie et besoins relationnels (et cela jusqu’à un certain âge, car ensuite c’est à ces enfants, devenus jeunes adultes, de répondre eux-mêmes à leurs besoins) et leur rappeler très fréquemment, qu’ils ne sont pas là pour répondre à tous les désirs des enfants et des adolescents.
Sans oublier qu’il appartient aux parents d’apprendre aux enfants (comme à eux-mêmes) à gérer les frustrations, les ajustements inévitables issus des contraintes de la collectivité.
Et comme parent, grand-parent, et arrière-grand-parent, je le dis encore et encore que : « Le plus beau des cadeaux que l’on peut faire à un enfant n’est pas tant de l’aimer que de lui apprendre à s’aimer ».
Découvrez la suite de l’entretien demain…
Copyright : Valérie Motté