Que représente pour toi la créativité ?
Je suis quelqu’un de très avide de culture en tout genre. Je vais beaucoup au théâtre, j’écoute plein de choses, je regarde énormément de films. Je trouve qu’il y a des gens tellement créatifs, je me dis que je suis une petite souris, que je n’ai pas cet élan de créativité énorme que je vois chez certaines personnes mais peut-être que je l’ai.
On est tous créateur…
Je pense que je suis un bon vecteur. Je sais que je peux créer parce que je le fais pour d’autres mais j’ai tendance à me juger parce que des gens de mon entourage très proche m’ont souvent dit, il y a quelques années « non mais toi t’es une bonne chanteuse » et du coup ça m’a beaucoup marquée. J’essaie de m’en libérer aujourd’hui. Je suis une éponge. Mais tu as peut-être raison, je suis créative. J’ai tellement envie de faire mille choses et je n’arrive tellement pas à faire le quart de la moitié de ce que je voudrais, du coup je me juge assez durement. Je ne me laisse pas passer grand-chose.
Tu n’es pas très bienveillante envers toi-même alors et pourtant c’est un mot que tu as employé au début de cet entretien.
Parce que je pense que c’est la clé de tout. Je ne suis pas bienveillante envers moi-même, je me mets des tartes en permanence. Mais j’ai bien évolué aujourd’hui car je sais m’entourer de personnes bienveillantes envers moi, ce qui n’était pas le cas autrefois.
À quel moment as-tu su que tu serais artiste ?
Je chante depuis que je sais émettre des sons. La première fois que je suis montée sur une scène j’avais douze ans. Les films, qui me touchaient au cinéma, étaient des films musicaux ou alors des films où ça dansait. Il fallait qu’il y ait de la performance, j’adorais. Je suis tombée amoureuse de tout ça très vite, les comédies musicales en l’occurrence, à l’américaine.
C’est petite que tu as eu le déclic alors ?
Oui je crois mais j’avais honte. C’est pour ça peut-être que ça me suit un peu. Quand on me demandait ce que je voulais faire, je répondais chanteuse, comédienne. On me disait mais que veux-tu faire comme métier ? Les premiers trucs que j’ai entendus, c’était ça. Je viens du Nord-Est de la France, de la Meuse, il n’y a pas beaucoup d’intermittents du spectacle dans ma ville d’origine donc ce que je voulais faire n’est pas un métier pour eux mais un passe-temps, un truc que l’on fait les week-ends pour s’amuser. Du coup, j’ai eu honte, je me suis dit que l’on ne me prenait pas au sérieux parce que l’on doit penser que je ne suis pas capable de le faire. J’ai arrêté de le dire quand on me demandait ce que je voulais faire, je disais maîtresse d’école, comme ça on me foutait la paix. Et en même temps j’ai beaucoup pleuré adolescente et jeune adulte parce que je voulais vraiment faire ça. Je me souviens d’un voyage en voiture avec mon papa, à l’époque des Star Academy, je me disais que j’aurais aimé être à leur place, être sur scène. Je ne voulais pas faire l’émission mais juste devant un public. Et j’ai dit à mon père, ce jour-là, que je ne savais pas comment lui expliquer mais que j’allais faire ce métier, j’ignorais comment. Ce truc était évident pour moi, même si je n’avais aucun exemple dans la famille. Mon père m’a répondu qu’il était d’accord. Et de fil en aiguille, je suis arrivée là où je voulais arriver.
Tu parlais de ton hypersensibilité, c’est le cas de pas mal d’artistes, tu la gères comment notamment par rapport aux regards des autres ?
Je commence vraiment à m’en foutre depuis peu de temps. C’est très compliqué dans notre métier, surtout à notre époque, en 2018, à l’ère des réseaux sociaux, c’est un putain d’enfer car ça a ouvert la porte à toute la haine du monde. Il y a des gens qui s’ennuient et qui ont juste envie de montrer leur existence en tapant sur les gens. Mon hypersensibilité qui peut se voir parfois chez certains médias ou mon côté trop spontané, qui ne va pas plaire à certains pour mille raisons. Peut-être parce que ça les met mal à l’aise, peut-être que ça les renvoie à… j’en sais rien. Du coup les réactions, on les prend en pleine poire, vives et très brèves. Et ça a été super dur des fois à gérer, j’en ai beaucoup pleuré, j’en ai beaucoup souffert maintenant ça me fait marrer. J’ai passé ce cap-là mais ça a demandé pas mal de boulot. Et puis on ne va pas se mentir, ça fait toujours mal encore maintenant quand on lit des messages qui nous tapent dessus mais c’est vrai que le recul, il y en a beaucoup plus.
C’est l’expérience…
Et puis aussi à un moment on se rend compte qu’on ne meurt pas parce qu’on a eu une épreuve, on se relève. Et puis ça aide aussi de voir que des personnalités qu’on admire et qu’on trouve assez géniales, se font aussi critiquer violemment. Et puis je me suis aussi rendu compte d’un truc, personne ne fait l’unanimité même les plus grands. On ne peut tout aimer donc ce n’est pas grave. Et moi j’accepte qu’il y ait des gens qui me détestent, ça ne me gêne pas. Moi-même, je ne serais peut-être pas leur première fan si je les connaissais.
Justement quand tu traverses une épreuve, tu l’accueilles et la gères comment ?
Toute seule car je ne suis pas quelqu’un qui demande beaucoup d’aide. Je suis plutôt du genre à encaisser chez moi, pleurer un bon coup et après je passe à autre chose mais je ne partage pas trop ces moments-là. Quand je vais péter les plombs, je vais partir toute seule, ce que j’ai fait cet été. Je suis assez solitaire.
Tu parlais du partage, sur scène, vous jouez trois nanas aux profils bien différents, la tolérance est de mise. Que signifie-t-elle pour toi, quelle valeur tu lui donnes ?
Je pense être vraiment quelqu’un de tolérant envers tous les choix de vie parce que je vis à Paris, je bosse dans le show biz, les trois quarts de mes amis sont homosexuels. Il y en a qui adoptent d’autres qui font des bébés seuls. Et pourtant je ne suis pas tolérante envers moi-même. Il y a des domaines notamment le professionnel où je manque encore un peu de tolérance. Par exemple, j’aime bien que ce soit carré et là j’ai vraiment des progrès à faire au niveau tolérance. Je suis très dure envers les gens qui ne sont pas hyper carrés et pourtant je ne suis pas irréprochable. Je suis pour que chacun fasse bien ce qu’il veut tant qu’il ne fait pas de mal aux autres. Je trouve que c’est très important d’être tolérant. Ce qui est fou, j’ai l’impression que l’on vit dans une époque qui repart en arrière où il y a un manque de tolérance.
Et le mot partager ?
Hyper important même si je suis très solitaire. Quand je suis dans mon boulot, j’aime bien la scène. Je viens de finir une grosse tournée et le kif était ce moment de partage avec le public. J’avais carte blanche concernant mes échanges avec lui et j’ai pris vraiment mon pied à parler avec les spectateurs, à rigoler avec eux, à ce qu’on se découvre les uns les autres. Le partage est là-dedans.
Dans ma vie perso, c’est avec mes amis, ma famille de cœur que je me suis créée. J’ai vraiment un entourage proche sur lequel je peux compter. J’avoue que je suis assez sauvage sinon même si je peux être très sociable quand je veux.
Et si tu devais définir l’amitié ?
Pour moi c’est la famille, c’est la même chose. Je n’ai pas une famille très soudée, elle est très éclatée. J’ai très peu connu mes grands-parents maternels, mes oncles et tantes. Ma famille au sens proche, c’est mon papa, mon frère et mes neveux. Du coup ce sont mes amis qui font office de famille. L’amitié est vraiment très précieuse pour moi. Ce sont des gens que j’ai choisis, que j’aime et qui m’ont choisie aussi et qui m’acceptent avec tous mes défauts.
Découvrez la suite demain…
Copyright : Valérie Motté