Crédit photo : Constance Decorde
Quand on est artiste, on est hyper sensible, ou sensible, il y a le regard des autres, comment tu gères tout ça ?
Arriver à être bien avec les autres parce que les autres sont là de toute façon donc il faut faire avec. Arriver à faire en sorte que les autres ne soient pas encombrants, c’est très compliqué et puis d’une personne à l’autre, ça varie en fonction des personnalités. Ça revient à savoir qui on est, ce que l’on veut, ce que l’on ne veut pas et oser aller à la rencontre de soi-même et s’assumer. C’est extrêmement compliqué je trouve mais c’est assez intéressant finalement.
Du coup quand tu es en tournage avec une équipe et d’autres comédiens, je suppose qu’il y a une différence dans ta manière de jouer par rapport à la scène où tu es seul mais y a-t-il une différence dans la manière d’appréhender le moment ?
En fait, c’est un peu la facilité pour moi parce que je suis seul et je maîtrise vachement de choses. Je décide de tout. Je sais comment il faut que ça se passe pour que je me sente bien. J’écris le spectacle, je sais comment je dois m’habiller, je sais de combien de temps de concentration j’ai besoin avant, de quoi j’ai envie après, dans quelle salle j’ai envie de jouer et je crois que j’ai fait ça pour ça. Ça me donne la possibilité de maîtriser les choses alors que dans les projets à plusieurs, fictions, pièces ou autres, je suis dépendant de gens et je ne trouve pas ça très agréable. Ça peut être parfois magique avec une osmose mais forcé de constater avec les expériences que j’ai eues, que ce n’est pas la majeure partie du temps mais c’est quand même sympa. Je ne peux pas compter que là-dessus, je n’ai pas une faculté d’adaptation suffisante pour tout miser là-dessus.
On peut dire que tu n’es pas dans le lâcher-prise du fait que tu contrôles tout ?
Je ne suis pas du tout dans le lâcher-prise.
Tu as besoin de maîtriser, de contrôler et pourtant tout à l’heure tu me disais avoir confiance…
Oui mais j’ai besoin d’évoluer dans un cadre où je me sens en sécurité. Si quelqu’un était là pour me dire de ne pas m’inquiéter car il a balisé le passage pour moi, ça ne me suffirait pas car il faut que j’ai confiance en les capacités de ce quelqu’un et ça c’est très compliqué.
Tu accordes peu ta confiance ?
Ce n’est pas ça. Il faut que les gens arrivent à me sécuriser totalement et c’est extrêmement compliqué parce qu’ils ne savent pas – pour avoir discuté avec certains d’entre eux – ils ne se rendent pas compte de ce que c’est. Je prends l’exemple de mon ancien producteur avec qui je m’entends très bien. On a gardé de très bons rapports. Il essayait de me mettre en confiance mais il n’y arrivait pas. Le seul moyen que j’ai trouvé d’être en confiance est de moi-même baliser le terrain.
Jouer sur scène, est-ce un moyen de se reconnecter à son enfant intérieur ?
Quand tu joues, tu sais bien que tout est faux, tu prends plaisir à jouer et tu prends d’autant plus plaisir à jouer que tu sais que rien est grave. C’est hyper marrant de jouer au cow-boy, au policier, au voleur, à l’amoureux… parce que ce n’est pas vrai et que l’on joue. C’est un truc bizarrement un peu immature. Et c’est pour ça que parfois tu peux avoir des fous rires quand tu joues même à jouer des trucs pas drôles parce qu’il y a un côté absurde quand tu es adulte à jouer mais c’est ça qui plaît au début.
Mais est-ce que ce n’est pas aussi merveilleux parce que ça laisse ce côté insouciance agir même si bien entendu c’est un travail ?
Oui parce que passé à l’âge adulte, il ne te viendrait pas à l’idée de jouer aux cow-boys et aux indiens dans la rue avec quelqu’un que tu ne connais pas alors que les enfants jouent entre eux même s’ils ne se connaissent pas. Et bien en tant que comédien, c’est pareil. Tu arrives sur un plateau, tu ne connais pas forcément l’acteur avec qui tu joues et puis tout d’un coup tu joues. C’est bizarre mais c’est marrant.
Quel petit garçon étais-tu ? Plutôt timide ?
Super timide, un peu rêveur, joueur comme tous les enfants. J’aimais bien jouer avec les autres. J’étais heureux de voir les autres.
La timidité t’a poursuivi. Quand je t’ai connu, il y a presque quinze ans, tu étais très timide. Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
J’ai un sketch qui en parle et j’ai fait du théâtre pour travailler cette timidité entre autre. À un moment je me suis dit que c’était lourd et super compliqué de vivre avec et qu’il fallait que je fasse quelque chose. Le théâtre m’a permis de me confronter à ça. Et puis après il faut apprendre à aller au-delà, ça m’a beaucoup aidé mais après tu sais ce qu’on dit – c’est le sous-titre de mon spectacle – « chassez le naturel, il revient au galop ».
Quand tu as vécu un certain temps avec ça, c’est compliqué de s’en débarrasser complètement. C’est marrant parce qu’il y a des moments dans la vie où j’arrive totalement à m’en débarrasser et puis dans d’autres circonstances, ça me retombe dessus sans trop que je sache pourquoi. J’ai accepté que ce soit comme ça. Je suis timide.
Découvrez la suite demain…
Copyright : Valérie Motté