Photo : Alexandre Lacombe

 

 

Bruno Putzulu est comédien, auteur, chanteur. En tournée actuellement, il reprend sa pièce Les Ritals mise en scène par son frère Mario Putzulu. Son deuxième album « C’était quand » est sorti le mois dernier.

 

Pour découvrir son univers :

https://brunoputzulu.fr

https://www.instagram.com/brunoputzuluofficiel/

 

Bruno Putzulu est mon invité des « Rencontres féeriques » de cette semaine. Chaque jour, découvrez une partie de son interview. Je le remercie de cet échange et de sa confiance.

 

Certains – dont je fais partie – disent que nous sommes créateurs de nos vies. Qu’en pensez-vous ? 

Oui pour une part nous sommes créateurs de nos vies autant que la vie nous laisse le temps de l’être. Dans le petit laps de temps durant lequel nous sommes sur Terre, effectivement nous sommes un peu créateurs de nos vies. Pas complètement.

 

Pourquoi pas complètement ?

Par exemple, si j’ai envie d’aller répéter, si j’ai envie d’écrire une chanson et qu’on me téléphone et qu’il y a une disparition dans ma famille, tout va être mis à mal et tout d’un coup, peut-être, je n’aurais même plus envie de revenir à ce que j’étais en train de créer. La vie et tous ses aléas font aussi que nous sommes dépendants de tout ça. Je me méfie car l’humain a besoin énormément de consolation. L’humain meurt. Il a peur de la mort – en général – et puis il a un énorme besoin de consolation. Il va se créer plein de choses pour se consoler. Quand on lit Camus pour lequel j’ai une grande admiration, on constate qu’il avait très peur de la mort. Lorsque sa mère est morte, ça a été un cataclysme et pourtant c’était quelqu’un qui n’arrêtait pas de penser à la vie qu’il aimait. Plus que personne. Beckett, un des auteurs que j’admire, dit une chose – ça tient du génie pour moi – : « Elles accouchent à cheval sur une tombe. Le soleil brille un instant puis c’est la nuit à nouveau. En avant. » Ça symbolise la vie et la mort. La vie dure peu de temps au-dessus d’une tombe malgré tout on dit en avant. On vit quand même parce qu’il y a cette force de vie incroyable qui nous pousse à vivre.

 

On reviendra à la mort un peu plus tard… J’aurais quelques questions à ce sujet.

Etes-vous à l’écoute de votre intuition ? 

Oui, je suis à l’écoute de mon intuition en sachant comme disait Descartes : « Je ne ferais plus confiance en ceux qui m’ont une fois trompé ». Il parlait du goût, de la vue, de l’ouïe. Donc il faut faire attention. Oui quelque chose nous pousse à faire confiance à notre intuition mais si on reprend l’histoire de nos vies, il y a aussi des intuitions qui nous ont trompés quelquefois. Il faut faire confiance mais pas trop.

 

Mais est-ce que c’est parce qu’on redonne un peu trop le pouvoir à ce que j’appelle le petit vélo qui mouline dans la tête, c’est-à-dire l’ego ? L’intuition je l’appelle la voix de mon âme. Quand c’est instantané comme ça, je sais que c’est juste parce que j’en ai des frissons, des sensations. Est-ce que vous c’est pareil ?

Oui je comprends mais attention il y a l’intuition de la jeunesse, qui peut être trompeuse, on est sur une sorte d’élan, on croit quelquefois que le monde est à nos pieds et puis ce n’est pas toujours ça, c’est de la bêtise de la jeunesse.

 

Je dirais que c’est de l’expérience.

Oui la vie c’est quelque chose d’empirique. Il faut faire ses expériences.

 

Aujourd’hui qui est Bruno Putzulu ?

Vous savez, c’est comme un rôle. On ne peut jamais savoir. Ça se modifie de seconde en seconde. On n’est pas une personne une fois pour toute. Un rôle que j’ai joué il y a dix ans, si je le rejoue aujourd’hui, je ne le jouerais pas de la même manière pourtant c’est toujours la question qu’on se pose dans nos métiers. Qui je suis et comment je vais aborder ça ? C’est pour ça que quelquefois il est étonnant de voir que les gens de l’extérieur nous perçoivent mieux que l’on ne peut se percevoir soi-même.

Qui je suis aujourd’hui dans ce que j’en sais, quelqu’un qui a 56 ans, qui est toujours autant attaché à ses frères, à son papa même s’il n’est plus là, à sa maman, à son métier. Je me rends compte que c’est le centre de ma vie. Peut-être il y a une perdition dans le métier maintenant, on ne s’intéresse plus autant aux grands auteurs. Quelquefois il y a trop l’idée de réussite, de faire des coups. On prend aujourd’hui des gens au nombre de followers donc c’est dramatique mais ce n’est pas de l’art dramatique. Il y a toujours de belles choses qui se font, ça donne de l’espoir.

Quand on arrive à un certain âge, on est en sandwich entre une ancienne génération et une nouvelle. Une ancienne qui est un peu partie ou qui est vieillissante, qui ne fait plus rien et une nouvelle qu’on ne connait pas vraiment. On est en sandwich, ce qui est mon cas.

 

On sent chez vous ce besoin de vous relier à vos racines, c’est ce qui vous anime comme on le disait au début de l’entretien. Est-ce que le fait d’être sur scène est un moyen d’être dans l’instant présent et de lâcher prise ?

Le comédien est toujours entre le lâcher-prise et ne pas lâcher prise. Il est suffisamment dans le lâcher-prise pour jouer mais il y a également des cadres. C’est comme en sport, un match de foot, il y a des limites. Si la balle sort en touche, on ne joue plus avec les pieds. Je me méfie toujours des expressions comme lâcher prise. C’est une belle expression qui est faite pour le bonheur mais dans mon métier c’est entre les deux.

 

Mais il y a plusieurs définitions du lâcher-prise. De mon point de vue, ça nous ramène dans l’instant présent. Avec la scène, vous êtes là à fond. Je suppose que votre tête ne peut pas – à un moment donné – penser à votre liste de courses.

Vous parliez du moment présent, c’est sûr. Dans la vie, on est rarement dans le moment présent, on va chercher son pain mais en même temps on pense à un message qu’on a oublié d’envoyer. J’ai fait du sport à haut niveau, sur scène, dans la  relation amoureuse au début, on est animé par le présent, ce qui est assez rare dans tous les autres moments de la vie. Je me rappelle de Johnny Hallyday quand il sortait de scène, il était complètement regonflé. Peu à peu, je le voyais dans la soirée qui se dégonflait et qui pensait déjà à autre chose. Il était déjà parti ailleurs alors que quand il sortait de scène il n’était que sur l’énergie du concert.

 

Je trouve que l’instant présent nous ramène à l’enfance. Les enfants vivent l’instant présent, c’est merveilleux. Êtes-vous toujours à l’écoute de votre âme d’enfant ?

J’espère. Je crois que oui, c’est pour ça que je suis souvent malheureux parce qu’il n’y a pas moyen de l’habiter complètement cette enfance. C’est peut-être la saison du printemps qui me fait le plus penser à ça parce que quand on sortait de l’école, quand tout nous semblait permis, les rêves, tous les espoirs, qu’on se voyait avec les copines, les copains, il n’y avait que le cœur qui battait. Maintenant c’est un peu plus difficile, cette enfance me manque. Je fais souvent appel à elle. Cette maison de l’enfance, j’aimerais bien toujours l’habiter mais ce n’est plus possible.

 

Du coup, est-ce que le petit Bruno vous parle ? Et si oui que vous dit-il ?

Oui, je n’ai pas beaucoup grandi, je ne suis pas très grand. Oui il me parle, je suis toujours très attaché à mes parents. Il me dit de reprendre une licence au foot, de revoir mes copains d’enfance. Je l’écoute le plus possible c’est pour ça que je ne fête jamais mes anniversaires, ça me fout le bourdon de vieillir. J’ai horreur du temps qui passe. Si on me disait là tout de suite tu retournes à l’enfance mais j’irais sans hésiter. Pour moi, le meilleur de ma vie est passé, ça j’en suis sûr. C’était quand tout le monde était là. Les vacances, l’été, dans la voiture où il faisait chaud, avec mes parents, mes frères, ce voyage vers l’Italie, c’était ça le meilleur. Ce n’est pas maintenant le meilleur bien qu’il y ait des bons moments.

 

Le grand Bruno répond au petit Bruno ?

Il dit : « Reprends-moi avec toi ! » Il ne veut pas ce con.

 

Quelque part, il est présent quand vous êtes sur scène car jouer c’est ce qui anime les enfants aussi. Même si c’est fait avec sérieux…

Quand on est sur scène, oui. L’âme d’enfant me sert à créer. Tout ce que je fais ça tourne toujours autour de la même chose mais on n’explore pas cent mille trucs dans la vie. Quand j’écris, ça a toujours un rapport avec le temps, l’enfance, la famille.

 

Vous avez choisi Yves Montant « En sortant de l’école » comme chanson qui symbolise l’enfance. Vous l’écoutiez beaucoup en famille ?

Oui je l’écoutais beaucoup. J’écoutais beaucoup Yves Montant, j’avais de l’admiration pour lui. C’était un artiste multiple. C’est un acteur que j’aime bien. En sortant de l’école, tous les rêves sont possibles. J’ai écrit une chanson comme ça « On dirait ». Les enfants ont juste à dire : « On dirait que tu serais un tel », hop le moteur est en route et ils se mettent à rêver. Contrairement aux adultes, il n’y a pas cet effort. Il n’y a pas la tête qui intervient. C’est instantané, c’est organique. J’aime mes moments de vie d’adulte quand tout d’un coup, il y a de l’organique et que ça vient malgré moi. C’est super !

 

 

Découvrez la suite demain…

 

Retrouvez l’article précédent :

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Valérie Motté

"AVEC NOS PENSÉES NOUS CRÉONS LE MONDE" BOUDDHA

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