Bonjour Joëlle, le dernier opus de ta trilogie intimiste vient de paraitre aux éditions Les impliqués, peux-tu nous présenter « Les hommes qui passent » ?
D’abord son titre comme son nom l’indique raconte que les hommes passent et suggère donc qu’ils ne sont pas forcément restés. Il ne s’agit pas de considérer ces chroniques sentimentales comme l’expression littéraire d’un fiasco mais comme une série d’épreuves d’amour auxquelles tous et toutes nous avons été confrontés. Il n’y a pas d’amour heureux disait Aragon mais Cabrel rajoutait qu’il n’y a pas d’amour sans histoires.
Et là, chaque lecteur va se retrouver dans ces narrations qui s’étalent sur 40 ans de vie. De la jeune fille à la femme mature que l’on découvre à des époques différentes et grâce au statut des femmes qui a évolué dans le bon sens, c’est une ode à toutes les formes de relations possibles. Entre emprise et désamour mais aussi dépendances, j’ai vacillé, j’ai pleuré toutes les larmes de mon cœur mais j’ai volé au-dessus des nuages car l’amour quand il est réciproque est un anesthésique duquel on n’a pas envie de se réveiller. L’amour m’a tout autant détruite que construite. C’est un roman personnel, intime car il s’inspire de faits réels mais son propos est universel. On a tous croisé la route d’un Mario, un prédateur branché sur ses performances sexuelles, sur un Stéphane, ce grand manipulateur sans foi ni loi et je souhaite à toutes les femmes de croiser un Philippe, l’homme qui a su m’aimer comme personne à ce jour. Les hommes qui passent c’est le 3ème opus dans lequel je ne mâche pas mes mots et là je ne me donne pas forcément le beau rôle.
Après la disparition de ton grand amour, pensais-tu pouvoir aimer à nouveau ?
Aimer à perdre la raison comme je l’ai fait, je ne m’en sens pas capable. Mais le cœur est ouvert à l’inconnu et renoncer à aimer ça revient à renoncer à vivre alors oui je suis à nouveau sur le marché de la séduction comme nombre de femmes de ma génération. Une sexygénaire pas fâchée de l’être et qui fuit les relations toxiques et dégradantes comme la peste quoique ma dernière aventure en date aurait pu avoir des conséquences désastreuses sur ma santé mentale. Les réseaux sociaux sont une plateforme où le fantasme l’emporte sur la réalité, quand vous lirez l’épisode sur Mario, vous comprendrez ce à quoi je fais allusion.
Ta dernière rencontre amoureuse aurait-elle pu être organisée par Philippe, ton défunt mari, pour te permettre de continuer à vivre, à te sentir vivante sans lui ?
Je ne crois pas que mon cher mari aurait pu m’adresser un tel émissaire. Il me voulait du bien et celui qui s’est pointé ne se voulait du bien qu’à son endroit et à l’égard de sa propre personne. Un être qui s’aimait tellement qu’il n’y avait pas la place pour autrui.
Pour apaiser ton chagrin ?
Oui, il avait conscience qu’en disparaissant, ma vie allait devenir insupportable et accablante, ce qu’elle a été dans les faits mais je suis une assignée à résilience. Et je suis heureuse de l’avoir connu même si je l’ai perdu. Le souvenir de cet amour me tient chaud et apaise mon cœur désormais en hiver et qui attend avec impatience que l’été revienne vite. Mon livre met l’amour en première place et c’est la place qu’il mérite.
Pour toi, que signifie l’amour ?
Je suis amoureuse de l’amour. Il nous rend plus tendre et moins amer, il invite au dépassement de soi. Il oblige à faire des concessions et à s’oublier au profit de l’être aimé. J’aime à penser que l’abandon de soi nous élève.
De mon point de vue, l’amour guérit tout et ne fait pas souffrir, ce sont notamment nos blessures d’enfance qui sont réactivées. Qu’en penses-tu ?
Oui les fameuses cicatrices intérieures qui se révèlent puissance mille dans nos rapports avec celui qu’on aime ou qu’on croit aimer. Les blessures narcissiques que l’on arrive à atténuer et à guérir lorsque l’amour parait avec son cortège de louanges que l’autre nous adresse et qui redonne confiance en soi. L’amour rend plus fort, l’amour rend aveugle, l’amour rend fou mais il faut davantage craindre de ne pas aimer que d’avoir peur d’aimer.
Quel message souhaites-tu transmettre avec ces chroniques sentimentales ?
Ce livre est le reflet d’une vie amoureuse dense, joyeuse et même chaotique, elle parle des histoires d’amour de chacun d’entre-nous. En ces temps sombres et austères où les gens pensent plus avec leurs pieds qu’avec leur têtes, je réanime un organe laissé en déshérence, le cœur. Il a ses raisons et parfois il a tort mais il nous fait voyager dans des territoires inconnus qui nous révèlent qui nous sommes et d’une certaine façon pourquoi nous sommes là. Ce sont les chroniques d’une femme libérée et comme on l’a chanté avant moi, c’est pas si facile d’en être une.
Copyright : Valérie Motté