Le Dr Louis Fouché est médecin anesthésiste-réanimateur, diplômé en éthique médicale (spécialisation anthropologie), et l’un des porte-paroles de Reinfocovid, collectif de médecins, de scientifiques, de chercheurs, d’artistes et de citoyens.

Son livre « Tous résistants dans l’âme » – entretiens avec Stéphane Chatry est paru aux éditions Guy Trédaniel.

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« Se réinventer, se relier au vivant et se connecter à son âme en temps que crise » est le thème des « Rencontres lumineuses » de ce mois-ci. Je remercie Louis Fouché d’avoir accepté ma nouvelle invitation. Chaque lundi, je vous partagerai une partie de son interview.

 

 

Big pharma et big data tiendraient-ils les fils du pouvoir mondial ? Comment s’y soustraire ? Est-ce possible ?

Bien sûr qu’ils les tiennent ! Ce n’est ni une nouvelle, ni une surprise. C’est accepter de regarder en face une criante réalité. Mais leur pouvoir , ils le tiennent de nous. Le peuple est la puissance instituante. Les institutions ou ce qui les a court circuitées (les multinationales) ne sont que le pouvoir institué. Elles ne sont que le reflet de ce que nous avons à l’intérieur de nous. Une quête obsessionnelle de confort par peur de souffrir. 

Mais le destin de l’humain n’est pas d’être confortable dans un technococon fourni par des multinationales qui le prémunirait de toute rencontre avec le monde. Au contraire, le destin de l’humain, c’est l’aventure, l’imprévu, la bifurcation. Le bordel ! L’humain est là pour une rencontre à frottement dur avec le réel. Pour structurer sa propre relation à la matière. Pour faire un artisanant de sa relation au monde. Aucune entreprise industrielle ne peut le faire pour vous. 

Alors comment empêcher cela ou s’y soustraire ? comment influer un tant soit peu sur la folie prédatrice des multinationales qui s’emparent de tout et même de vos vies ? 

On va avoir tendance à vouloir changer le monde, les institutions, les gouvernants, punir les puissants…

Mais tu peux pas vouloir la paix là devant si tu l’as pas là dedans. Tu peux pas vouloir l’équité, la justice, la beauté, le courage, le partage, la rigolade, etc là devant, si tu les as pas là dedans.

Alors je crois que ça commence par soi même : être le grain de sable. « Be the change you want to see in the world ». C’est la phrase de Gandhi. Elle est tellement juste, tellement puissante. C’est comme une déflagration. Si tu commences à vivre pour de bon ce que tu prônes. Tout change autour de toi. C’est extrêmement exigeant. Bien plus que d’aller gueuler contre le président ou je ne sais quel labo pharmaceutique. C’est un saut dans le vide. Et ça fait peur. 

Ça commence par un saut quantique de conscience : se transformer soi même, avant de vouloir changer quoi que ce soit en face. Je connais des résistants qui ont utilisé et pris le QR code. Encore une fois, c’est humain. Je ne juge pas. Mais comment tu veux que le totalitarisme technosanitaire tombe si tu entres dans son jeu et que tu acceptes de te l’appliquer à toi même ? Les grecs appellent ça l’acrasie. L’insuffisance de la volonté. Je sais quelle est la vertu. Mais je pratique le vice. Paresse, faiblesse, confort, compromission. Peur d’oser se transformer.

Se soustraire aux multinationales est une question à la fois très spirituelle et très pragmatique. La doctrine non violente nous aide beaucoup. Mais comme d’habitude, on n’a rien sans rien. Rien ne changera autour si je ne veux rien changer de ma vie.

Le monde est holographique. Il s’inscrit en fractales imbriquées et en mise en abyme successives. Ce qui vit à l’intérieur de moi, les pensées, les émotions, les actes personnels sont l’exact miroir du macrocosme. Alors quelle prise ? Si le monde change intensément je le vis intimement. Mais si je change intimement, le monde le vit intensément. Je crée par mes pensées, mes émotions et mes actes un cluster de transformations successives dans tous les ordres du réel.

D’abord, le boycott. D’abord le jeûne. Nous sommes en plein carême et cela devrait résonner chez les chrétiens. Se départir du trop qui nous étouffe. Se protéger des influences néfastes. D’abord ne pas gober ce dont nous abreuvent ces multinationales. Baste de l’info en continue, de la peur, de l’angoisse, des rumeurs de guerre lointaines… Plusieurs études montrent que ceux qui ont été le mieux en santé pendant le covid sont ceux qui ont éteint leurs télévisions, leur autoradios et les réseaux sociaux. On devient ce qu’on mange. Symboliquement et matériellement. Si je me gâve de sucre, d’alcool, de tabac, de mauvais gras, et de malbouffe industrielle, je finis par tomber malade. De même si je me gâve de noirceur, de soucis, de calamités, des dernières nouvelles, je deviens cette noirceur et la porte partout cousue en moi. On doit choisir avec soin ce dont on se nourrit, physiquement, comme culturellement. On doit choisir et faire un tri des relations qui nous nourrissent et nous illuminent, de celles qui nous rabaissent et nous font tourner en rond dans l’aigreur et la colère. 

Nombreux sont ceux qui ont eu ce reflexe salvateur de prendre soin à nouveau frais de ce qu’ils laissaient rentrer en eux. Quand, dans certains couples ou certaines familles, on a décidé de ne pas parler de ce qui pourrait fâcher, c’était un reflexe de survie à respecter. 

Nous crevons de trop. Société asthmatique qui ne fait que prendre, se gâver. Alors le premier pas pour moi. C’est de laisser de côté. Et de le faire ensemble, parce que seul c’est trop difficile. Boycotter. Et ça commence par soi. Avant même de vouloir changer le monde. Suis-je capable de changer mes usages informatiques ? Suis-je capable de changer ma relation au monde numérique, au monde pharmaceutique, au monde agroalimentaire ? Suis-je capable de me reprendre en main, de m’autonomiser ? Cela ne dépend pas de Big Pharma ou de Big Data. Ceux-là ne sont là que par le laisser aller généralisé qui a caractérisé les générations récentes irresponsables qui nous ont précédés. 

Sommes nous capables de nous sevrer de toutes les sales drogues de l’industrie du spectacle, agroalimentaire et pharmaceutique ? C’est très dur. J’ai un ami assez drôle qui m’a dit ça : « personne n’est plus fort que le sucre ! ».  Mais la récompense est belle. Après quelques jours de jeûne, passé la douleur du sevrage, la créativité revient, la joie aussi. Le regard s’illumine à nouveau d’espoir. 

Comme une évidence, c’est le changement ensemble, le boycott en groupe, l’arrêt du numérique en meute qui peuvent nous aider chacun à traverser cette cure de sevrage vitale mais si difficile.

La question est de réussir à créer un phénomène de résonance de sobriété heureuse. Par un récit qui emporte l’enthousiasme, on peut faire qu’un groupe significatif arrive à se détacher sans remords de la dope des multinationales. Ce récit ne peut pas être négatif, crispé ou négativement apocalyptique. Il doit raconter le fil rouge collectif désirable que nous n’aurions jamais dû quitter. De quoi avons nous vraiment besoin que les ersatz des multinationales nous aliènent ? C’est pourtant simple. C’est pourtant incroyablement puissant. C’est une évidence et nous l’oublions chaque matin. Quel paradoxe. Nous avons un besoin vital de joie, d’émerveillement, de contribuer, de se voir, se toucher, de rire, de partager, de chanter, de danser, d’imaginer, de raconter, d’aimer et puis de paix.

Se soustraire à l’influence néfaste des mulitnationales sur notre vie, sur nos enfants, sur nos groupes sociaux, sur nos états, sur notre planète est non seulement possible mais impérieusement nécessaire. Il n’y a pas d’autre chemin. Les multinationales nous emmènent dans le délire transhumaniste d’une société du contrôle intégral. Dans ce délire, il n’y a pas de place pour l’humain, pas de place pour le vivant. Cet avenir est un avenir de mort. Nous sommes les gardiens du vivant.

 

Comment évoluer dans un système auquel on n’adhère pas ?

Le système n’est pas autre chose que nous mêmes. On ne peut pas fuir. Il n’y a nulle part où aller. Christiane Singer a écrit un livre éclairant à ce sujet. « Où cours-tu ? »

Elle y explique que j’ai beau fuir, mes névroses, nos névroses, nos sociétés sont cousues dans nos peaux.

Certains voudraient fuir. Certains voudraient s’abrutir dans des mondes numériques idéaux. Certains voudraient s’envoler vers l’ailleurs. Certains voudraient en finir…  Mais ils emmènent avec eux toutes les noirceurs de ce monde. Même dans le Metaverse… Le premier procès pour harcèlement sexuel a déjà eu lieu…

Certains sont pris dans la colère du mal enfin dévoilé au grand jour. Ils voudraient voir voler les têtes, tomber les méchants. Certains voudraient prendre le pouvoir, raffler l’élection. 

Quand je découvre que je suis le système, je ne peux pas faire autrement que d’y rester. Et s’il est invivable, je dois y vivre quand même, et avec tous ceux qui y sont englués. Mais être le grain de sable.

Etre le grain de sable commence par s’appliquer à soi-même la maxime de son action. Si déjà cette cohérence-là se tisse. Alors, le système ne peut pas continuer sa folie prédatrice. Et ce n’est pas si difficile. Car quand tu commences à essayer de vivre en cohérence, c’est extrêmement joyeux. Tu sors de la peur, tu rentres dans la prudence aristotélicienne : la Phronesis. C’est l’intellgence du courage, la sagesse contextuelle. Tu fais avec les contraintes telles qu’elles sont mais tu les mets à profit comme un tremplin de transformation individuelle et collective. Tu sors de l’attente. Tu arrêtes d’espérer la suite au prochain épisode. C’est Guy Debord dans les commentaires sur la société du spectacle qui écrivait : tant que tu attends le prochain épisode, tu n’agis pas. 

Donc le premier pas à mon sens est de sortir d’une société Netflix. Tu vis juste ce que tu as décidé de vivre. Ça ne dépend plus tellement de ce que les pouvoirs cherchent à t’imposer. Ça dépend juste de toi. Troublante et vertigineuse responsabilité. À moi de choisir ce que je veux vivre. Le triangle de Karpman : victime bourreau sauveur nous tient en otage. On est la victime d’un méchant bourreau et on attend un sauveur. Et puis l’instant d’après on va jouer un autre rôle dans ce triangle dramatique, on va devenir le bourreau de son ancien bourreau, qui se prévaudra alors d’un statut de victime… Rassurant triangle dramatique qu’on peut rejouer à l’infini. Il faut en sortir.

Je ne suis ni une victime, ni un bourreau ni un sauveur. En revanche, j’ai besoin des autres. Et c’est aussi ça la découverte de la liberté. J’ai besoin des autres pour construire ensemble un monde désirable. Parce que dès qu’on a fait son choix individuel. Il faut se mettre en lien. Tout seul je ne peux rien. Mais avec les autres, bien organisés et capables de traverser les conflits, nous pouvons tout.

Cela rejoint des techniques d’action militante éculée et extrêmement efficaces qu’on appelle le boycott et le buy cott dans la doctrine non violente gandhienne. Tu peux le rapprocher du non agir et de l’agir juste de la  permaculture.

Il y a alors comme un combat à engager. Un combat ce n’est pas une guerre. Un combat c’est une danse. Le travail du judo est particulièrement inspirant pour moi pour survivre dans un système que l’on ne comprend plus. Il y a deux concepts dans le travail au sol. Hen et Hou. Hen, c’est l’espace de sécurité dynamique. Et Hou, c’est la faille de l’adversaire. Et en fait, Hen et Hou sont une seule et même chose. La faille de l’adversaire, c’est l’espace de sécurité dynamique. Je dois trouver les espaces de sécurité dynamique dans les failles du système. Et ces failles bougent, passent leurs temps à se négocier. Ma sécurité doit donc passer son temps à évoluer. Ce n’est pas une situation stable. C’est un combat où l’autre me donne à chaque seconde la clé pour développer plus fort mon individuation et ma capacité à transformer.

Evoluer dans un système fou est presque un jeu. Parce que de partout il y a des failles béantes qui s’ouvrent.

Le monde est abondance. L’autre est un cadeau. Les adversaires fous sont mes petits maîtres de sagesse. Si tu te mets à avoir confiance en ça ne serait-ce que deux minutes, tu reprends le courage de transformer tout ce qui nous entoure. Et ton évolution dans le système, c’est l’évolution du système. Et toutes les contraintes que tu rencontres sont des opportunités de trouver ce que la vie veut vraiment que tu vives. Et la vie veut qu’on soit heureux. J’en suis persuadé.

J’ai parlé de combat. Mais la vraie posture est il me semble celle de la diplomatie. La diplomatie, c’est la reconnaissance de l’autre dans sa beauté singulière et ses besoins indiscutables ; puis la recherche ensemble de stratégies de satisfaction accordées.  

La communication non violente me semble un incontournable pour reprendre des relations diplomatiques saines entre nous, avec la nature et avec la technique. Nous devons diplomatiser notre rapport à la technique. Et parfois choisir de ne pas y avoir recours. Cela nécessite de questionner l’idéal du progrès matériel. Je suis persuadé que nous allons vers plus de dénuement et je crois que c’est une chance. Nous allons devoir partager. Nous allons devoir prendre soin des plus faibles. nous allons cesser de penser que nous sommes Maîtres et possesseurs de la nature. Pour reconsidérer que nous en faisons partie bel et bien. 

 

La permaculture serait-elle l’une des clés pour survivre à cette crise ?

La Permaculture est un chemin intéressant en ce que les éthiques de la permaculture rejoignent ce changement de posture : prendre soin des humains, prendre soin de la nature, partager nos récoltes.

 

 

Retrouvez les articles précédents :

https://valeriemotte.com/louis-fouche-resistants-lame-1-4/

https://valeriemotte.com/louis-fouche-resistants-lame-2-4/

 

 

 

Valérie Motté

"AVEC NOS PENSÉES NOUS CRÉONS LE MONDE" BOUDDHA

Copyright : Valérie Motté

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