Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre dernier ouvrage ? À qui s’adresse-t-il ?
À tout le monde, au grand public. Ce livre n’est pas un livre de psychologie, mais le fruit de 30 ans de pratique professionnelle. Il sert à éclairer le lecteur sur les pistes que le corps propose pour solutionner des conflits. Notre corps nous indique en surface les troubles qui sommeillent en profondeur. Il nous avertit par des signes sur la peau (psoriasis, acné, eczéma…) par des tensions sur les tendons, sur les articulations de façon ciblée. Quand l’ampoule qui clignote au tableau de bord d’une voiture nous signale qu’il manque de l’huile ou qu’il manque de l’eau au radiateur, il ne suffit pas de dévisser l’ampoule et l’empêcher de clignoter pour régler le problème. C’est le même processus pour le corps : quand la peau, les muscles, les articulations, les organes ‘’clignotent’’, il faut aller objectiver la cause. Les antidouleurs, antidépresseurs, anti-inflammatoires, même s’ils sont parfois bien nécessaires pour calmer le jeu, correspondent à l’ampoule qu’on dévisse.
Ce livre, dans l’esprit d’un précédent ouvrage intitulé « Le langage émotionnel du corps » établit la relation entre le corps et les émotions. Il me semblait important de traiter le problème de la séparation, des séparations multiples que chaque individu peut rencontrer au cours de son existence et de décrypter, à travers une lecture appropriée du corps, comment vont s’organiser les ressentis. La mort, ultime séparation, peut engendrer de la colère, de la culpabilité, de l’impuissance, de la trahison, de la tristesse. Certains vont réagir d’une certaine façon et d’autres réagiront autrement. Le corps sera l’indicateur afin de mieux cerner le chemin qu’aura choisi la personne face à cette séparation douloureuse. Les angoisses de séparation sont dépendantes de la qualité de l’investissement des parents, de la maman durant la grossesse et dans la petite enfance. Un peu à l’instar du livre de Laurence Pernoud intitulé « J’attends un enfant », ce livre sera un guide pour traiter à la base les angoisses de séparation et le sentiment d’abandon, en informant dans un premier temps et ensuite, en offrant une méthode pour libérer les mémoires émotionnelles enfouies dans le corps, dans les tissus. Le corps est l’interface du subconscient. Écoutons-le, il a beaucoup de secrets enfermés dans la boîte de Pandore à délivrer pour notre libération et notre bien-être, (bien naître).
Qu’est-ce que le sentiment d’abandon ?
L’émotion correspond au ressenti. Quand cette émotion est traitée par le cortex, elle devient un sentiment. La séparation crée l’émotion, constitue le trauma : la façon dont va être traité ce trauma, permettra d’installer un sentiment d’abandon. Par exemple, un enfant de quatre ans n’assiste pas à l’enterrement de son grand-père. Cette séparation, privée du rituel de l’enterrement permettant de réaliser le deuil, sera ressentie comme un abandon. Le sentiment d’abandon est la conséquence d’une séparation mal gérée. Une épouse perd son mari et la séparation crée un choc, de la tristesse, du désespoir, une sensation de manque. La première réaction pourra laisser place à un sentiment d’abandon et quelles que soient les circonstances du décès, la veuve pourra verbaliser plus tard : « Il m’a abandonnée, il aurait pu vivre encore un peu ». Jésus, lui-même, à la frontière du dernier passage, sur la croix, en plein désespoir a dit ces paroles : « Mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Une séparation peut créer un sentiment d’abandon selon la façon dont elle a été gérée. Il est primordial de savoir que la vie intra-utérine, la période de gestation est un moment privilégié de communication entre la maman et le fœtus. Les dix mois qui suivent la naissance nécessitent un accompagnement de choix pour l’enfant. La qualité des contacts, de la communication entre les parents et l’enfant influencera la capacité de l’enfant à gérer des situations de stress durant son existence. Un mauvais investissement, un manque d’attention, de la maltraitance provoqueront une vulnérabilité psycho-émotionnelle que l’enfant conservera durant son existence, le rendant moins apte à gérer des situations de séparations multiples, que nous développons dans cet ouvrage.
Pouvez-vous nous exposer les différentes formes de séparation que vous expliquez dans votre livre ?
Dans ce livre, nous traitons les séparations, de la première à la dernière. La vie intra- utérine jusqu’à la mort.
Durant la vie intra-utérine, la parturiente peut se sentir séparée de son enfant pour diverses raisons : la grossesse fait suite à une fausse couche et la maman a peur de perdre le bébé, la grossesse est la conséquence d’un viol, d’un oubli de prise de pilule contraceptive et est qualifiée d’accidentelle, la grossesse n’est pas un choix partagé par le père et la maman hésite à garder le bébé… Nombre de raisons font que la maman a peur de s’investir dans ce fœtus qui ressent déjà les sensations de la mère. Albert Jacquard disait : « L’enfant commence à exister quand sa maman pense à lui », mais si ces pensées sont empreintes de peurs ou de doutes, l’enfant sera marqué biologiquement par ces émotions, car il est prouvé que quand la maman produit des hormones liées à son stress, le fœtus produit les mêmes hormones, impactant la mémoire cellulaire.
Ensuite, l’accouchement est une séparation parfois longue et douloureuse. C’est là qu’on peut dire qu’une séparation est parfois une libération.
La petite enfance est un chapitre important par l’existence des interactions précoces (la dépendance affective, réciproque entre la mère et les autres figures d’attachement et le bébé).
Les séparations suite aux obligations sociales telles la rentrée à l’école où l’enfant entame son parcours vers le monde extérieur, où il doit quitter le cocon familial et se confronter aux autres enfants, aux autres adultes.
L’adolescence, période de séparation du monde de l’enfance, période où l’adolescent va se séparer des notions inscrites inconsciemment dans son disque dur. Les différentes séparations comme les déménagements, les divorces, quitter sa famille, les disputes familiales, la maladie, la retraite, quitter sa maison pour aller dans un Ehpad. Le burn out, Alzheimer, l’anorexie qui sont autant de séparations de soi.
Les décès
Toutes ces séparations, quasiment inévitables, seront gérées selon une capacité à réagir, construite à la base. Une blessure vécue dans le présent sera reliée, raccordée à une blessure du passé. Il nous faut soigner cette blessure du passé pour mieux aborder le présent et l’avenir. Il est tellement primordial d’informer les parents de l’importance incontournable de la période de zéro à 7 ans chez l’enfant. Si on peut déjà ne pas se tromper dans cette période cruciale, cela éviterait de devoir réparer les erreurs commises, par manque d’informations.
On dit que les informations reçues par les enfants jusqu’à l’âge de 7 ans sont très importantes. Elles influent sur la construction de leur personnalité, leur sensibilité et peuvent créer des croyances limitantes. Pourquoi ?
Bruce Lipton nous dit : « Les enfants copient tout dans leur disque dur, de façon inconsciente, ils font un copié-collé ». Ils enregistrent de façon hypnotique, inconsciente et ils sont en quelque sorte le miroir de leurs parents. On connaît l’expression : « Les enfants apprennent aux parents à grandir », car ils sont leur reflet. Nos actes sont commandés à 95% par notre subconscient et à 5% par notre conscient. Dans ce disque dur, les programmes que l’enfant a enregistrés seront à la base de ses réactions, de la façon de gérer ses conflits, de prendre ses décisions.
Les croyances inscrites dans le subconscient seront le terreau de pensées limitantes comme je ne suis pas à la hauteur, c’est de ma faute si les parents sont en dispute, je suis nul, je n’y arriverai jamais, un homme ne pleure pas, je dois me sacrifier parce que mon frère est handicapé, je dois porter les autres comme j’ai porté ma mère dépressive ou mon père alcoolique…
Du coup, quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes parents ? À la femme enceinte ?
Un enfant commence à exister à la conception (certains disent même avant) et toutes les émotions que la mère ressentira durant la grossesse seront ressenties par le fœtus. Il existe des expériences qui démontrent que le réflexe de peur paralysante, que l’on pourra comparer au reflexe d’inhibition dû au nerf vague dorsal, est déjà présent à la sixième semaine in utéro et que l’embryon peut être influencé par les peurs de la mère à ce moment, déjà. Si la maman a fait une fausse couche auparavant, il est important de faire un travail personnel avec un psychologue pour éviter les peurs de perdre le suivant. Quand on a perdu un enfant, il faut éviter aussi de considérer le suivant comme le remplaçant du précédent, perdu : j’ai vu des patientes appelées Corinne être les remplaçantes de Carine, engendrant des troubles de l’identité et de la personnalité.
Les colères, les deuils (perdre son père ou sa mère ou son mari pendant la grossesse), les peurs de perdre son bébé (quand il ne bouge pas dans le ventre), une mauvaise nouvelle doivent être traités avec beaucoup de recul et sagesse.
J’ai vu des bébés qui ne dormaient pas depuis un an et qu’on a pu apaiser en une consultation en abordant les peurs de la maman de perdre son bébé durant la grossesse.
Jadis, la femme enceinte était considérée comme une reine. Il est temps de remettre à l’ordre du jour ces vieilles traditions et que les femmes pensent plus à leur progéniture qu’à leur travail.
Il y a un effort sociétal à fournir également. Certaines infirmières ou laborantines sont écartées dès l’annonce de leur grossesse : il faudrait élargir cette mesure à toutes les femmes enceintes.
Ensuite, quand l’enfant est né, il est indispensable de comprendre qu’il a besoin de soutien, de cadre, d’accompagnement. Je suis partisan de laisser le bébé dans la chambre des parents, de ne pas le laisser hurler seul dans son lit. Je ne crois pas qu’un bébé crie par plaisir ou parce qu’il est capricieux.
Découvrez la suite lundi prochain…
Copyright : Valérie Motté